C’est à l’automne 2016 que David a rejoint le collectif libertaire Alexandre Marius Jacob.
Lorsque nous l’avons rencontré pour la première fois devant la salle Maurice Honeste, il était coiffé de sa casquette cubaine, les mains vissées dans le fond des poches, une clope au bec.
À cette première réunion, assis avec nous autour de la table, les bras croisés, il a prêté une grande attention aux propos qui étaient échangés.
Cette attitude d’écoute attentive, il l’a toujours conservée dans nos activités militantes, montrant l’intérêt et le respect qu’il accordait à chacun et chacune d’entre nous, sans distinction.
David a trouvé rapidement et naturellement sa place au sein du collectif.
Prompt à bougonner quand les discussions tournaient autour du sexe des anges, il ne parlait pas pour ne rien dire, et n’hésitait pas à exprimer fermement ses désaccords.
Il nous a reproché plusieurs fois et à juste titre les airs de salon libertaire que pouvaient prendre nos assemblées.
Anarcho-syndicaliste sincère et engagé, il faisait peu de cas des postures et des modes militantes. En tant qu’ouvrier, sa lutte des classes n’était pas celle qu’on apprend abstraitement dans les revues virtuelles 2.0, ni celle d’un ouvriérisme naïf, mais celle bien tangible qui se livre à coups de tractages, d’affichages, de manifs, d’éducation populaire, d’actions directes et de poings quand il le faut.
Combien de fois l’avons-nous entendu pester contre l’apathie et l’abdication grandissantes des travailleurs et des travailleuses ?
C’était aussi un anti-fasciste conséquent.
Il n’avait de cesse de rappeler que l’anti-fascisme ne se résolvait pas dans les urnes, mais dans la rue et que c’est nous qui devions la tenir !
Point de fanfaronnade ici, mais une analyse simple et efficace d’une réalité sociale qui se dégradait davantage et qui nous a valu de longs échanges téléphoniques cet été avec David.
David était un camarade loyal, un copain pas bégueule et un ami.
Entre deux rafistolages utopiques du monde, il y a toujours eu la place pour la convivialité fraternelle.
Nous avons bien bu, bien mangé et rigolé sans censure ensemble.
Parfois un peu de trop, mais sans ce « un peu de trop », les anarchistes seraient moroses et assommants.
Dans la fête comme dans l’action, David contribuait avec générosité à la fabrication du collectif.
Y compris en bringue, il savait nous étonner par la radicalité de son engagement comme lors de ce festival où il n’a pas passé l’entrée, ni vu un seul groupe, préférant rester dans le camping afin d’étudier finement la pensée libertaire dans l’ouvrage imaginaire et remarquable intitulé « Bakounine au pays des psylos ».
« Y’en a pas un sur cent » comme dit le chanteur.
À sa manière David nous aura tous et toutes fait évoluer en mieux.
Aujourd’hui, il n’est plus là : ça fait chier et ça nous fera toujours chier, jusqu’à ce qu’à notre tour nous ne soyons plus là.